L’impact de l’intérim sur la qualité des soins de santé

Dans un contexte où les établissements de santé font face à une pression croissante due à la pénurie de personnel, au vieillissement démographique, et aux défis liés aux urgences sanitaires, le recours aux intérimaires devient une solution incontournable pour maintenir la continuité des soins. Si cette approche permet de répondre à un besoin immédiat en personnel qualifié, elle soulève toutefois des préoccupations importantes concernant la qualité des soins prodigués aux patients. Cet article explore l’impact de l’emploi d’intérimaires dans les hôpitaux sur la qualité des soins de santé, en prenant en compte divers aspects tels que la continuité des traitements, l’intégration des soignants intérimaires dans les équipes, et la gestion des risques associés.

1. L’intérim : une solution nécessaire face à la pénurie de personnel

L’intérim médical et paramédical est devenu une réponse quasi obligatoire dans de nombreux hôpitaux, en raison de la pénurie chronique de personnels de santé. Les raisons de cette pénurie sont multiples : conditions de travail difficiles, salaires peu attractifs, et stress lié aux horaires décalés et à la charge de travail élevée. En réponse à cette situation, les hôpitaux recourent de plus en plus aux agences d’intérim pour combler les absences temporaires, maintenir l’effectif des équipes, et assurer la continuité des services.

Si cette approche semble pertinente en théorie, elle soulève des questions sur son efficacité en pratique, notamment en ce qui concerne la qualité des soins fournis. Le recours à l’intérim, bien qu’il soit indispensable pour garantir la présence de professionnels de santé, peut-il compromettre l’expérience et la sécurité des patients ? C’est cette question que cet article cherche à approfondir.

2. La continuité des soins : un défi majeur de l’intérim

L’un des premiers éléments qui soulève une inquiétude quant à l’impact de l’intérim sur la qualité des soins concerne la continuité des soins. Les patients hospitalisés bénéficient de traitements qui nécessitent une connaissance approfondie de leur historique médical, de leurs pathologies et des spécificités de leur traitement. Lorsque des intérimaires sont amenés à intervenir, cette continuité peut être compromise.

Les intérimaires, bien qu’ils soient des professionnels formés, arrivent souvent dans des équipes sans avoir eu le temps de s’intégrer pleinement ou de prendre connaissance de tous les dossiers des patients. Dans des services comme les soins intensifs, les urgences, ou la pédiatrie, où la compréhension fine de chaque patient est essentielle, un intérimaire qui prend un poste de manière ponctuelle peut se retrouver en difficulté pour assurer un suivi optimal.

De plus, les intérimaires ne disposent souvent pas d’une expérience suffisante avec les protocoles spécifiques de chaque établissement, ce qui peut entraîner des erreurs dans la gestion des traitements ou la communication avec les autres membres de l’équipe soignante. En conséquence, les risques de ruptures dans la prise en charge des patients sont accrus, ce qui peut affecter leur rétablissement et, dans les cas graves, compromettre leur sécurité.

3. L’intégration des intérimaires dans les équipes soignantes

Une autre dimension de l’impact de l’intérim sur la qualité des soins concerne l’intégration des intérimaires au sein des équipes soignantes. L’hôpital, en particulier dans des services complexes et spécialisés, repose sur une forte cohésion d’équipe pour garantir une prise en charge harmonieuse des patients. Les soignants permanents développent au fil du temps des habitudes de travail et des relations professionnelles qui leur permettent de mieux communiquer et de collaborer efficacement. L’intérim, en introduisant des professionnels temporaires dans ces équipes, peut perturber cette dynamique.

L’intérimaire, souvent nouveau dans un service, peut mettre un certain temps à comprendre les processus internes, les attentes des autres professionnels, et les besoins spécifiques des patients. Si l’intérimaire n’est pas correctement intégré et informé, des tensions peuvent surgir, entraînant des malentendus et des erreurs dans la prise en charge. En conséquence, la communication interprofessionnelle peut en souffrir, ce qui affecte directement la qualité des soins.

Une étude de l’Organisation mondiale de la santé a montré que la qualité de la communication dans les équipes soignantes est l’un des facteurs les plus déterminants pour assurer des soins de qualité. Le manque de cohésion et de confiance au sein de l’équipe due à l’intégration difficile des intérimaires peut ainsi dégrader la qualité des soins.

4. Le risque d’épuisement professionnel chez les soignants intérimaires

Bien que l’épuisement professionnel soit souvent associé aux travailleurs permanents dans les établissements de santé, les intérimaires ne sont pas épargnés par ce phénomène. En effet, travailler de manière temporaire, dans des contextes exigeants, avec une charge de travail importante et une pression constante, peut entraîner un stress intense et une fatigue importante. Cet épuisement peut affecter la capacité des intérimaires à fournir des soins de qualité.

Les soignants intérimaires, en raison de leur statut précaire, peuvent également ressentir un manque de soutien psychologique et une faible reconnaissance de leur travail. Ces facteurs de stress peuvent compromettre leur bien-être et leur efficacité, entraînant une baisse de la qualité des soins. De plus, l’absence de lien fort avec les autres membres de l’équipe et un manque de continuité dans le travail rendent difficile l’accès à des mécanismes de soutien et de débriefing qui sont cruciaux pour la gestion du stress.

5. Les conséquences sur la sécurité des patients

L’un des aspects les plus préoccupants concernant l’impact de l’intérim sur la qualité des soins réside dans la sécurité des patients. Des erreurs médicales, bien que pouvant survenir dans tout environnement de soins, sont plus susceptibles de se produire lorsque l’intérimaire ne connaît pas bien le fonctionnement de l’établissement, les dossiers des patients, ou même certains matériels médicaux spécifiques.

Le manque de familiarité avec les procédures de sécurité, le stress dû à une pression de temps accrue, ou encore l’absence d’une communication fluide avec les autres professionnels de santé peuvent augmenter le risque d’erreurs. Une étude menée par l’American Journal of Surgery a révélé que les équipes de soins temporaires étaient plus susceptibles de commettre des erreurs administratives ou de négliger des aspects essentiels du traitement des patients.

6. L’impact sur la relation soignant-soigné

Enfin, l’intérim a un impact significatif sur la relation soignant-soigné, qui est un élément clé de la qualité des soins. Le lien de confiance entre le patient et son soignant est au cœur de l’efficacité du traitement et du bien-être du patient. Lorsque l’intérimaire prend en charge un patient de manière temporaire, celui-ci peut se sentir moins en sécurité, car il ne sait pas si ce professionnel sera toujours là pour assurer la continuité des soins.

Les patients peuvent avoir des difficultés à nouer une relation de confiance avec des soignants qui ne sont là que pour une période limitée. La relation de soin devient alors plus impersonnelle et moins centrée sur l’humain. Cette absence de lien durable peut diminuer la satisfaction du patient et influencer son expérience globale de l’hôpital.

7. Le rôle crucial de la formation et de l’intégration

Pour que l’intérim n’affecte pas la qualité des soins, il est essentiel que les établissements de santé mettent en place des mécanismes d’intégration et de formation adaptés. Les intérimaires doivent recevoir une orientation claire dès leur arrivée, comprenant les protocoles de l’établissement, les spécificités des services, ainsi que des informations sur les patients sous leur responsabilité. Un suivi régulier et un débriefing en fin de service sont également des pratiques cruciales pour éviter les erreurs.

La formation continue et le soutien psychologique sont également nécessaires pour que les intérimaires puissent exercer leurs fonctions de manière optimale, sans se retrouver dans des situations de stress ou de confusion qui nuiraient à la qualité des soins.

Conclusion

L’intérim dans le secteur de la santé est une réponse à des besoins pressants, mais il n’est pas sans impact sur la qualité des soins de santé. La continuité des soins, la sécurité des patients, la cohésion des équipes, et la relation soignant-soigné sont des éléments essentiels qui peuvent être compromis par l’usage excessif d’intérimaires. Pour minimiser ces risques, les établissements doivent garantir une intégration efficace des intérimaires, offrir une formation adéquate et un suivi psychologique constant. Les soins de santé doivent rester centrés sur les patients, et ce sont les soins continus, personnalisés et adaptés qui en assurent la qualité.